Être apaisée

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Être apaisée

Avec deux épisodes, nous partons à la rencontre d’Amandine, qui après avoir été accompagnée par l’association suite à la blessure d’un avortement, a accepté de nous livrer son témoignage.

C’était sa première relation amoureuse. L’histoire commençait bien. Puis Amandine a découvert qu’elle portait un enfant. Ce fut le début des montagnes russes dans l’esprit et dans le cœur de cette jeune femme qui n’avait ni imaginé ni été préparée à un tel chamboulement.

UN BEAU DÉPART 

L’histoire commençait pourtant bien. Un stage à  l’étranger, la rencontre d’un jeune homme bien sous tous  rapports, un diplôme de retour en France, l’amoureux  qui traverse l’océan pour mes beaux yeux… L’avenir  étire ses promesses d’avenir radieux.  

C’est ma première relation amoureuse. Nous nous  connaissons encore peu, mais son arrivée en France  semble tracée par un destin bienveillant. C’est un homme  sérieux, qui a de beaux projets d’avenir. J’apprends à  me laisser approcher. Il a tout quitté pour moi, je me  dis que je lui dois bien ça. Je découvre avec lui mon  corps de femme, me laissant guider par son expérience.  

LA NOUVELLE 

Ma poitrine est douloureuse depuis quelques jours.  Pour me rassurer, j’achète un test. Le couperet tombe : deux lignes bleues. Je jette le test au sol et appelle une cousine à la rescousse. Ma première réaction sera de chercher un peu de clarté  dans la confession, auprès d’un vieux prêtre. De ses  sages paroles, noyées dans le déchainement de mes  émotions, il n’est rien resté.  

RÉAGIR 

Le temps s’est arrêté, quelque part au niveau de mon  cœur. Pourtant, les évènements s’enchaînent avec une rapidité fulgurante. Des débats intérieurs sont entrecoupés de visites médicales cauchemardesques : échographie, examen gynécologique, découverte du planning familial… On  me sort encore des mots, des litanies de mots, des  chiffres, du lexique médical… Mon cas devient scientifique : le bébé, un tas de cellules, ma grossesse, un  compte à rebours, l’avortement, une solution banale,  un droit fièrement acquis.  

J-7, J-5… Le bébé-cellule continue de grossir. Recroquevillée sur le lit, je hurle de toutes mes forces à Dieu de  me venir en aide, j’implore inlassablement Son pardon  pour la décision qui est déjà prise.

LE CHOIX  

Il faut désormais assumer les conséquences de mon  acte, garder la tête droite, les questions pour plus tard…  Et tâcher de ne pas se laisser submerger par le long hurlement de bête blessée qui jaillit de mon cœur. 

VIVRE  

« Debout. Il faut vivre. » Quatre mots qui deviennent mon leitmotiv quotidien, tant il serait facile de se laisser sombrer  dans la dépression. J’ai dû mourir quelque part en chemin  moi aussi puisque c’est une étrangère, terriblement froide  et dure, qui me dévisage désormais dans le miroir de la  salle de bain. Mon compagnon, silencieux, m’accompagne  de son mieux dans ma douleur. La sexualité, traumatisée,  laisse place à une plus grande tendresse, des gestes plus  simples, des larmes plus importantes. Ensemble, nous  donnons un prénom à notre enfant.. 

Les mois puis les années passent. Cahin cahan, nous  construisons notre vie, mais ma blessure reste ouverte.  Il me faut parler, encore parler. La patience de mon  compagnon finit par s’épuiser. Lui a besoin de tourner  la page et de regarder vers l’avenir. Au bout de deux  ans, mon délai de souffrance a officiellement expiré.  Trop de différences finissent par nous séparer.  

CHEMIN DE CONSOLATION  

Guérir devient une priorité absolue pour concevoir  l’avenir. Mon premier mouvement sera de partir en Provence suivre le chemin de consolation organisé par l’association Mère de Miséricorde. Dépaysée, je découvre  la beauté sauvage du plateau du Plan d’Aups où une  grotte, à flanc de falaise, recueille le nom de tout-petits  trop tôt disparus, pour les confier à l’intercession de sainte Marie-Madeleine. 

C’est une expérience bouleversante d’enfin pourvoir  se confier sans filtre à des femmes et des dominicains  habitués à l’accompagnement du deuil si particulier de  l’enfant non-né. Nous vivons, avec les autres membres  du groupe, une délivrance rayonnante. Je reviens de  Provence profondément apaisée d’avoir enfin réalisé  l’amour que je portais à mon bébé et de lui avoir trouvé  un lieu de repos. Je suis également convaincue d’avoir  effectué une étape vitale qui changera le cours de ma vie. 

RELECTURE 

Il aura fallu beaucoup d’années, de larmes, de  compassion et de courage pour avancer sur la voie de la guérison. Ce fut un chemin douloureux, mais aussi  semé de rencontres lumineuses et d’indispensables aides spirituelles et psychologiques. 

Cette danse de Vie et de Mort entremêlées fut la plus  grande leçon de mon existence. Elle est inscrite dans  ma chair, mon esprit, mon cœur et mon âme.  Ce fut une leçon pour approcher plus finement, à travers  ma maternité, le miracle de la Vie. Pour comprendre  la gratuité de son don et la reconnaître dans son état  le plus fragile. Pour apprendre à respecter la dignité  intrinsèque de chaque être humain.  

Ce fut un chemin de croix pour découvrir, derrière une  façade de jolies convictions, l’humilité de la faiblesse.  C’est bien à genoux, le nez sur le carreau, toutes tripes  hurlantes que j’ai réalisé ma foi moins forte que mes  peurs et mon besoin absolu de l’aide de Dieu. 

Ce fut une épreuve du feu pour accepter de me laisser  brûler de l’Amour du Christ, en entreprenant le chemin  du plus difficile des pardons : celui à soi même. Lâcher une culpabilité mortifère pour me regarder en Vérité : défigurée par la douleur du péché, le cœur couturé de  cicatrices et pourtant belle, toujours belle, encore plus  belle de ces cicatrices aux yeux du Christ. Et si le Christ  m’aime ainsi, imparfaite, qui serais-je pour me refuser  la dignité de Son Amour ?  

Ce fut une expérience pour apprendre à ancrer davantage ma foi dans une réalité bien terrestre, ni blanche ni  noire, mais peuplée de nuances de gris. Et par là même, veiller à resituer les actes de mes frères et sœurs dans  leur contexte de vie, afin de ne pas céder à la tentation d’un jugement destructeur. 

C’est enfin une guérison qui a développé une empathie  particulière envers mes sœurs blessées du drame d’un  enfant non-né. Une guérison qui me pousse aujourd’hui  à témoigner et secouer les consciences quant à une liberté sexuelle dénuée de la responsabilité qu’elle implique.  

Ainsi, mon enfant n’a pas eu à ouvrir les yeux sur ce  monde pour bouleverser ma vie. Invisible aux yeux des  hommes, qu’il continue à intercéder auprès du Père  pour que tous les parents endeuillés retrouvent la Paix. 

Merci mon Raphaël, je te dois tant. 

Amandine Lefleuve

LE CHOIX DU TÉMOIN 

 « Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas.  Va, et désormais ne pèche plus. »  Jean 8, 10-11 

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